• Par : pntbr
Coffee painting par https://www.animalgourmet.com
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La caféine dans le thé

La caféine est la même dans le café et dans le thé. Ce qui change, c’est la présence de L-théanine et de polyphénols et le geste d’infusion : quantité de feuilles, température, durée, nombre de réinfusions. En Chine, on boit souvent les mêmes feuilles réinfusées toute la journée, transformant l’effet dans le corps : le thé ne provoque pas un choc brutal mais installe un calme alerte, à la fois stimulant et apaisant.

Théine ou caféine : une clarification

Au XIXᵉ siècle, les “savants” européens ont cru découvrir dans le thé une molécule nouvelle, qu’ils ont appelée “théine”. Quelques années plus tard, on a compris qu’il s’agissait en réalité de la même substance que la caféine, également présente dans le café, le maté ou le cacao. Aujourd’hui, les chimistes n’utilisent plus que le mot caféine. Mais dans le langage courant, “théine” reste attaché à l’idée que le thé agit autrement que le café.

Café et thé : deux expériences

Un expresso de 30 ml contient en moyenne 80 à 100 mg de caféine. Absorbée rapidement, elle atteint un pic dans le sang en moins d’une heure, puis son effet se maintient trois heures avant de décroître nettement.

Le thé, lui, délivre sa caféine différemment. Dans le GongFuCha 工夫茶gōng fū chá, on prépare 3 à 5 g de feuilles dans une petite théière 砂壺shā hú ou un GaiWan 蓋碗gài wǎn de 100 ml, et l’on verse une série de bols de 30 à 40 ml. L’ensemble de la session libère environ 60 à 90 mg de caféine, soit une dose comparable à un café, mais étalée en plusieurs prises. Chaque petit bol apporte seulement 5 à 15 mg, et les polyphénols présents ralentissent encore l’absorption. L’effet dure ainsi plus longtemps, quatre à six heures en moyenne, avec une montée douce et une sortie progressive.

La majorité de la caféine se libère dans les deux ou trois premières infusions. Les suivantes en contiennent beaucoup moins : on peut continuer à boire pour le plaisir des arômes et des textures, sans ajout significatif de stimulation. Lorsque l'on dit que des personnes chinoise boivent du thé toute la journée, il est plus juste de dire que des personnes en Chine boivent le même thé toute la journée, et non pas une succession de thés différents.

Caféine et types de thé

La teneur en caféine varie selon plusieurs critères. Les bourgeons et les jeunes feuilles en contiennent davantage que les feuilles matures. La saison de la cueillette joue aussi : un thé de printemps, riche en bourgeons, sera plus caféiné qu’un thé d’automne. L’oxydation (comme dans les thés rouges 紅茶hóng chá) influence peu la caféine, mais la fermentation et le vieillissement (comme dans les thés noirs 黑茶hēi chá) tendent à en réduire la teneur et à adoucir les effets. Enfin, la préparation elle-même : quantité de feuilles, température et durée d’infusion déterminent la part de caféine réellement présente dans la tasse.

Ainsi, les thés verts 綠茶lǜ chá et certains rouges 紅茶hóng chá peuvent apporter des doses relativement élevées, parfois comparables entre eux. Les Wulong 烏龍wū lóng se situent plutôt dans une zone intermédiaire, modulée par la cueillette et le style de transformation. Les thés noirs 黑茶hēi chá présentent des teneurs plus faibles, parfois moitié moindres. Les Sheng Pu’er 生普洱shēng pǔ ěr jeunes, riches en bourgeons, se rapprochent au contraire des verts et des rouges, avec une caféine plus marquée qui s’atténue peu à peu avec le vieillissement.

Dans le cadre du GongFuCha 工夫茶gōng fū chá, cela signifie que l’on retrouve en moyenne 5 à 15 mg de caféine par bol de 30–40 ml, mais avec de fortes variations selon la famille et le terroir.

Le triptyque caféine – L-théanine – polyphénols

La singularité du thé ne tient pas seulement à la quantité de caféine, mais à sa synergie avec d’autres molécules. La caféine stimule l’attention et l’éveil. La L-théanine, acide aminé propre au thé, favorise au contraire la détente et la clarté mentale. Les polyphénols ralentissent l’absorption de la caféine et protègent l’organisme grâce à leurs propriétés antioxydantes. Ensemble, ces trois éléments créent un état paradoxal : calme et alerte à la fois.

Le thé dans la culture chinoise

Préparer un GaiWan 蓋碗gài wǎn ou une théière 砂壺shā hú de 90 à 150 ml et la réinfuser de nombreuses fois fait partie du quotidien. Les premières tasses contiennent l’essentiel de la caféine, mais en buvant plusieurs bols sur quelques heures, l’organisme peut cumuler des doses non négligeables. C’est dans ce contexte qu’apparaît parfois ce qu’on appelle l’ivresse du thé 茶醉chá zuì (chazui).

Cette ivresse peut se manifester par une chaleur diffuse, une accélération du cœur, un léger vertige ou une euphorie subtile. Elle survient souvent à jeun ou lors de longues sessions. Ce n’est pas un état recherché, mais une expérience reconnue dans la culture du thé : une sorte de clarté flottante, née de la rencontre entre une accumulation douce de caféine et l’effet relaxant de la L-théanine.

Dans les monastères bouddhistes, le thé était utilisé pour dissiper la torpeur et soutenir la méditation assise. Les taoïstes y voyaient un moyen d’affiner la perception intérieure et de nourrir le souffle vital (qi ). Aujourd’hui encore, le thé reste pour beaucoup un compagnon de concentration et de pratique intérieure.

Stimulant vs excitant

Le thé est un stimulant, il ne faut pas le confondre avec un excitant. Le café est plus souvent associé à l’agitation ou à la nervosité. Le thé stimule sans brusquer, à condition de comprendre les techniques d'infusion appropriées. Les recherches menées à Taïwan et en Chine soulignent que certaines personnes sont sensibles à la caféine le soir quand d'autres ne le sont pas du tout.

Résumé

La caféine du thé et celle du café sont identiques, mais leur effet diffère profondément. Grâce à la présence de L-théanine et de polyphénols, et au rythme des infusions, le thé agit de manière progressive et durable. Dans la culture chinoise, on boit les mêmes feuilles réinfusées toute la journée, ce qui permet d'adapter éveil et apaisement dans le cycle journalier.


Sources